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BILLET D’HUMEUR N° 43. par Olivier Manceron. Le 20/03/19

Ah dis donc ! Le printemps, quand même ! Avec son petit vent mordant du coin de la rue, avec son givre bleu des ornières des prés et ses pâleurs d’aubes à venir, l’hiver n’en revient pas de devoir partir. Ici, les timides clochettes des perce-neiges n’osent pas quitter des yeux la neige à leurs pieds ! Là, les premières corolles des violettes si violettes. Et là, les bourgeons gonflés au miel roux du soleil.

Enfin le printemps ! Quel ravissement d’entendre le bruissant gazouillis des oiseaux du matin dans les buissons du coteau. Ah, que j’ai eu peur ! J’ai eu peur que le printemps ne soit déjà silencieux. Mais les valeureux petits chanteurs sont encore là. Le monde me fait si peur que je m’émerveille de ce nouveau printemps comme d’une fleur rare, comme les derniers moments de luxuriance d’un monde qui s’enfuit. Combien de temps encore le printemps viendra-t-il me taper sur l’épaule, avec ses allées poudreuses de prunus roses au bord de l’eau, avec son rossignol en haut d’un pin en descendant du train, avec ses pervenches en escarboucles de ciel tombées au pied des chênes à l’orée du bois, avec la joie des chiens à perdre haleine dans les immensités de tendre vert de la plaine, avec… ?

Et puis tu te cognes aux déchets de plastique des parkings, aux auréoles noirâtres de gazole dans les flaques de boue, aux grondements des nationales en écho aux déchirements des voies ferrées. D’énormes frelons noirs cherchent d’improbables nidations du côté des écoles. L’odeur du glyphosate vient combattre l’oxyde de carbone et les particules fines aux abords des villes. Tu sais que 75% des perdrix ont disparu comme 50% des passereaux des forêts et des champs et 50% de toutes les espèces d’insectes confondues. Tu sais qu’ils ont gagné le droit de tirer sur les oies sauvages.

Alors, malgré le vol hésitant des papillons jaune citron des premiers soleils printaniers, malgré l’explosion des forsythias des ronds-points et les tapis dorés des jonquilles montant aux chevilles des futaies, malgré ses cinquante nuances de jaune, le printemps cette année est teinté de nostalgie.

La société moderne, celle des femmes fortes et des hommes capables, dévore la planète à belles dents. Pleins de morgue et de mépris, ils ont trahi l’avenir de leurs enfants. Ils nous ont laissé sur le côté, nous les faibles incapables, les femmes handicapées, les enfants imparfaits de la République. Ils ont construit une bulle d’écrans moirée, si grosse, si tendue qu’elle va éclater. J’espère qu’un jour cette nostalgie du printemps ne laissera pas place à l’amertume et à la rancœur.

 

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