A la veille du Comité Interministériel du Handicap, les associations représentants les personnes en situation de handicap réunies au sein du «Comité d’Entente» et du «Conseil français des personnes handicapées pour les questions européennes» font 140 propositions concrètes au gouvernement pour que 8 années après la ratification de la Convention de l’ONU par la France, les droits des personnes en situation de handicap soient enfin effectifs dans notre pays.
A l’approche de l’examen par l’ONU de l’application de la Convention des Nations Unies relatives aux droits des personnes handicapées, les associations rendent aujourd’hui public un état des lieux critique de son application. Ce document met en évidence les écarts considérables dans tous les domaines qui existent entre ses préconisations et le quotidien des personnes en situation de handicap. Il fait la démonstration des graves manquements de la politique du handicap de l’Etat français et soumet 140 propositions concrètes au gouvernement.
Les associations réunies au sein du «Comité d’Entente» et du «Conseil français des personnes handicapées pour les questions européennes» interpellent le gouvernement afin qu’il ajuste sa feuille de route au regard de ses recommandations.
Consulter l’Etat des lieux, sur le site du CFHE.
la synthèse
et les recommandations
Extraits
Concernant les femmes handicapées :
- Concernant la situation des femmes et des filles handicapées, l’approche genrée n’est présente dans le rapport français que dans l’article sur la santé – et ce, même sans faire référence à des sujets importants tels que les droits reproductifs, la contraception, la grossesse, l’éducation à la sexualité. Le mouvement associatif est amené à constater que les femmes handicapées en France sont invisibles et oubliées des politiques publiques qui ne croisent pas handicap et genre. Qu’il s’agisse de la situation des femmes ou des enfants handicapés, il n’existe presque pas de données et de statistiques fiables.
- En France, seules 31% des femmes et 38% des hommes reconnus handicapés ont un emploi, contre 59% de l’ensemble des femmes et 70% de l’ensemble des hommes.
- Le taux de chômage des femmes ayant une reconnaissance administrative du handicap est supérieur à celui des hommes, mais il n’existe aucun programme spécifique pour lutter contre cette double exclusion, car les politiques publiques en faveur des personnes handicapées n’ont pas intégré la dimension liée au genre.
- Sur les violences : Le handicap est aussi un facteur aggravant face aux violences domestiques, institutionnelles, sociales vécues par des femmes. Selon un rapport de la Commission des droits de la femme et de l’égalité des genres du Parlement européen, quatre femmes handicapées sur cinq sont victimes de violences102. Contrairement aux femmes valides, les femmes handicapées sont plus souvent dépendantes d’autrui et plus isolées des services sociaux et d’assistance, il est très difficile pour les femmes handicapées de porter plainte. Les centres d’hébergement d’urgence sont rarement accessibles, les conséquences post traumatiques des violences subies pas des femmes handicapées sont ignorées et donc pas soignées (page 58).
- Sur l’emploi : En outre, les politiques publiques en faveur des personnes handicapées n’ont pas intégré la dimension liée au genre dans leurs actions. Les femmes handicapées subissent des discriminations spécifiques combinant genre et handicap : elles sont confrontées aux inégalités professionnelles entre femmes et hommes, avec une aggravation des difficultés en raison de leur handicap, pour l’accès à l’emploi, le maintien dans l’emploi, la progression de carrière, les promotions… Elles font face à la précarité, au temps partiel, au sous-emploi, au chômage, à la pénibilité, à la pauvreté. Les déterminants de l’inactivité des femmes semblent se renforcer pour les femmes handicapées : femmes contraintes de rester au foyer154. Leurs retraites sont très faibles et leur dépendance s’accroit avec l’âge. (page 87)
- Quelques recommandations
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* Accompagner les femmes handicapées vivant des violences pour qu’elles puissent en sortir, porter plainte, se reconstruire ; faire une campagne d’information et de sensibilisation du grand public aux maltraitances et violences vécues par les femmes handicapées ; former les professionnels à cette problématique (médecins, magistrats, policiers…)
* Fournir une éducation à la sexualité aux élèves handicapé.e.s, dans les instituts médico-éducatifs et les établissements recevant des jeunes handicapées ; ouvrir largement l’information à destination des femmes handicapées sur la santé, la prévention, les diverses options de contraception, la grossesse, la maternité, l’IVG.
* Développer les services d’accompagnement à la grossesse et à la maternité des mères handicapées ; développer la formation des personnels de santé, des assistants sociaux des Centres de protection maternelle et infantile aux besoins spécifiques des femmes et des mères handicapées ; développer l’accessibilité des centres d’accueil des enfants pour les parents handicapés ; développer l’aide à la parentalité si nécessaire et protéger les femmes handicapées dans leur fonction maternelle, y compris les femmes avec des troubles du spectre de l’autisme.
* Assurer une éducation diversifiée et une formation qualifiante aux filles et femmes handicapées ; orienter les filles handicapées vers les filières qui répondent à leurs goûts et leurs capacités au lieu de les confiner dans quelques filières stéréotypées.
* Développer des aides spécifiques à la garde des enfants pour permettre aux femmes handicapées de suivre des formations professionnelles.
* Suivre spécifiquement l’impact sur les femmes handicapées de toutes les politiques publiques, instaurer une politique transversale pour l’égalité des femmes handicapées.
* Sexuer toutes les données et les statistiques concernant les personnes handicapées.
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* Sensibiliser, former à la prévention des violences et doter de moyens nécessaires les professionnels des soins et de l’accompagnement des personnes handicapées.
* Promouvoir et rendre complètement accessible, y compris pour les personnes les plus lourdement handicapées, le numéro national d’aide aux personnes âgées et aux personnes handicapées victimes de maltraitance (3977) et le numéro du service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger (119) ; soutenir le fonctionnement d’autres numéros d’écoute pour les personnes handicapées victimes de violences, comme le numéro dédié spécifiquement aux femmes handicapées 01 40 47 06 06, mis en place par l’association FDFA en l’absence de l’initiative du gouvernement.
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* Mettre en place une aide à la parentalité (et à la procréation si nécessaire), accompagnement adapté et prise en charge des surcoûts (matériel adapté, aides humaines formées, services de proximité…).
Les femmes enceintes doivent avoir un accès facilité aux soins de prévention et au suivi de leur grossesse (soins, accompagnement, accessibilité des cabinets gynécologiques).
* Développer des services de proximité, des centres ressources, un soutien aux familles de parents handicapés et aux parents d’enfant(s) handicapé(s)
Sur l’application de l’esprit de la Convention
« En ratifiant la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées en mars 2010, le gouvernement français s’est engagé à en respecter toutes les dispositions, c’est à dire non seulement les préconisations sur le fond mais aussi les procédures de contrôle. Parmi ces dernières figure à l’article 35 de la Convention la remise d’un compte rendu d’application deux ans après sa ratification.
Ce n’est en fait qu’en mai 2016, soit quatre ans après la date à laquelle il aurait dû être remis, que la France a rendu son rapport de mise en oeuvre de la Convention.
Ce retard rejaillit tout naturellement sur l’ensemble de la procédure d’examen de la situation en France par le Comité des droits, et particulièrement sur les réactions et contre-propositions que souhaite et doit apporter la société civile au rapport officiel français.
Le mouvement associatif français des personnes handicapées a cependant souhaité prendre date dès la sortie du rapport officiel français, en élaborant un document qui pourra servir de base, le moment venu, avec les actualisations nécessaires, au rapport alternatif remis au Comité des droits. »
« Mais c’est là où le constat est sans doute le plus accablant et le contraste le plus frappant avec les mesures prises dans certains autres pays : les moyens consacrés par l’Etat à la promotion et au suivi de la Convention des Nations unies n’ont jamais été, loin s’en faut, à la hauteur des enjeux.
L’insigne faiblesse des ressources humaines et budgétaires accordées au Comité interministériel du handicap (CIH) pour faire connaître la Convention et assurer sa diffusion, a mis en évidence, dès l’origine, l’indifférence des pouvoirs publics pour ce texte. »
« Minorant la notion d’interaction « personne-environnement » (notion centrale dans la Convention), la loi de 2005 traite en deux chapitres distincts la question de la compensation et celle de l’accessibilité de l’environnement, évacuant du même coup les notions de participation sociale et de citoyenneté des personnes handicapées, notions qui ne peuvent être appréhendées et mesurées qu’à travers l’interaction des mesures de compensation et d’accessibilité généralisée de l’environnement4.
La mise en oeuvre de la politique de solidarité en matière de handicap incombant jusqu’en 2017 au seul ministère des Affaires sociales et de la Santé a pour effet d’exonérer les autres acteurs politiques et sociaux de la prise de conscience de l’enjeu que constituent les droits des personnes handicapées, et de leur engagement actif face à cet enjeu. »
« Enfin, la loi de 2005 est dotée d’une définition du handicap et de modalités d’évaluation du handicap contraires à la définition interactive du handicap et à l’esprit de la Convention.
Une définition du handicap centrée sur la personne, ses déficiences et ses incapacités, qui ne prend pas en compte la notion d’interaction et le rôle de l’environnement dans la production des situations de handicap. »