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BILLET D’HUMEUR N°89 par Olivier Manceron, le 20/03/23.

Il nous reste la musique. Même si chacun.e a la sienne, elle est notre grand ventre commun. Dans le vibrant silence de nos têtes résonne le doux bronze du cœur de maman. Depuis la nuit des temps fœtaux, nos inconscients naissants sont bercés du même ressac de vagues d’amour. La musique n’a même pas besoin d’être belle.

Chacun.e la sienne. Suspendue aux temps immobiles d’avant notre naissance, chacun.e fait son propre nid de replis chauds et frémissants. Battements de pouls. Battements de tambours aux peaux tendues. Rebondissants petits galops des cabris sur les pierres des éboulis. Battements de pluie sur la verrière, la nuit. Vibrations profondes de corps de cuivre dorés étincelants de soleil. Plaintes longues des chalumeaux de roseau ou des bassons en bois exotique. Vapeurs lourdes de l’orgue enroulant d’un même volute l’encens et les couleurs des vitraux du chœur. Atmosphère myope tremblante au-dessus des prairies au matin d’été.

La musique est une fumée qui ferme les yeux et clôt la pensée, mais aussi un brouillard qui ouvre les oreilles et parle au cœur. Il nous restera toujours la musique pour communiquer. Quand les idées seront mortes et les discours vidés, quand les lendemains auront définitivement abandonné l’espoir de chanter, il nous restera la musique pour exister.

Tous les autocrates et les tyrans du monde le savent. Une de leurs premières tâches est de mettre au pas musique et musiciens, les emprisonner, les silencer jusqu’à ne même plus supporter les battements du moindre cœur. Leur seul instrument est le métronome. Ils ne gardent pour les jours de gloire que quelques hymnes pompiers pour noyer les foules dans leurs cris et laver plus facilement le sang des sacrifiés.

Mais dans les champs de canne ou de coton, les esclaves ont repris les chants de vieille misère, au rythme des fouets des gardiens. Les mères n’ont jamais arrêté les chansons douces aux oreilles des enfants chagrins, suçant leur pouce. Les vieux survivants ont gardé cachés sous la paille ou entre tuile et poutre leurs instruments poussiéreux pour les jours de printemps, quand la vie démange les pieds des amoureux. Et les grands-mères ont toujours préservé au profond d’elles les refrains usés des contes et des mythes qui ont construit l’humain de l’humanité. Les notes sont des oiseaux, les portées des perchoirs pour hirondelles. La musique sera encore là quand avec toute leur violence, leur sauvagerie, leur cruauté, les hommes forts de leurs passés mortifères croiront nous avoir fait taire. Alors petit à petit, son à son, de mélodies hésitantes en timides harmonies, la reconquête commencera.

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