Il fait chaud. Les cigales ivres emplissent le ciel de louanges exaltées. Pas un nuage. La lumière passe épaisse entre les lattes de bois des persiennes brossées d’alizés las et lents. Le moindre effort fait loi. Le salaire de la sueur rémunère la plus crasse des paresses. Le frigidaire se caresse des yeux comme un meuble précieux. La buée du verre rafraîchit le front dans un cliquetis soyeux de glaçons. Tout est vacances, calme et vacuité.
Il fait chaud. La plus petite tâche est un exploit personnel. Les rues sont des casseroles, les boulevards des chaudrons. Le bitume en miel noir épaissit l’atmosphère. Les forêts brûlent. Les fumées piquent les yeux. Les incendies boursouflent de cicatrices noires le doux visage de Marianne. L’air se charge de gaz à effet de serre autour de la planète. Les gens ont retiré leurs masques, bouclé leurs valises, fermé les chaînes d’info, acheté des billets de festival, de croisière, de camping avec piscine, de torrent d’altitude, ou de maison pied-dans-l’eau, harcelés de rêves de fraîcheur. Tout nous parle d’oubli. Encore un peu d’oubli, s’il vous plaît.
Il fait chaud. Dirigeants tortionnaires et financiers gestionnaires de tous pays se sont unis pour nous rôtir la vie. La planète est mise sous pyrolyse et les peuples se taisent. Plus les tyrans sont sanguinaires, plus ils sont adulés. Leurs folies destructrices sont une décoration tendue en écharpe sur leurs ventres obscènes. Sous les bombes, les gens se meurent mais les acclament encore. La puissance virile a repris tous ses poils de la bête et les #MeToo féministes n’ont plus qu’à se rhabiller. Le héros est encensé dans tous les médias, les films, les séries, sans oublier les écrans porno qui fascinent nos garçons, les nuits chaudes d’été. Les hommes préparés aux situations de crises, les hommes de guerre affûtés au combat, ceux des groupes économiques internationaux, ceux spécialisés dans les krachs financiers et les bulles boursières, les hommes sérieux, les hommes forts nous font tous les mêmes promesses. Après un rapide calcul, ils nous assurent que si la guerre va coûter cher, la paix est hors de prix.
Tremblez femmes trop belles, trop jeunes, trop vieilles ou trop pauvres ! Tremblez enfants perdus ou assistés ! Tremblez les aveugles, les sourd.es, les paralytiques et les insensé.es ! Que le monde tremble, les hommes, les vrais, ont repris la main et ne sont pas près de la lâcher.