« Elle est si belle, qu’on recommencerait pour elle la guerre de Troie… » Pas sûr que la belle Hélène ait apprécié les belliqueuses rodomontades de ses prétendants. L’Antiquité a de ces litotes qui balaient la poussière des vieux grimoires sous le tapis de la mémoire, avec une mauvaise foi consommée. Mais ce qui reste des temps anciens, ce qui continue à enchanter notre présent et caresse tendrement nos rêves d’avenir, c’est la beauté des femmes. Merci Mesdames.
Vous n’êtes pas toutes de belles hellènes, ni des starlettes de cinéma. Vous n’êtes pas toutes de ces femmes si joliment décorées, plantées au bord du bar des hôtels internationaux, si belles qu’elles finissent par ressembler aux magnifiques luminaires qui éclairent leurs propriétaires au-dessus des tapis verts des tables de casino. Vous n’êtes pas toutes ces égéries médiatiques, saupoudrées d’or, figées sur les écrans luisants des panneaux publicitaires qui éclairent la misère dans les rues glacées des métropoles.
Mais vous êtes la partie la plus élégante, la plus raffinée de l’humanité. Quelque chose de fin, à l’équilibre entre force et faiblesse, suspendu dans un chant, porté par une brise, soulevé par le ressac des émotions sensibles, fragile mais insubmersible, brillant de larmes, poli par les éclats des rires, quelque chose d’interrompu mais d’infini, d’évident mais d’inexplicable, quelque chose de rêvé mais de trop intime pour s’exposer.
La beauté des femmes nous permet de croire à l’avenir de l’humanité. Telle la grâce enfantine, la beauté féminine fleurit dans l’innocence, l’impensé, l’impréparé. Foin des talons escabelles, des masques de peintures savantes aux couleurs du désir simulé, foin des vêtements qui vous sous-vêtent et vous dénudent. Cette beauté-là vous expose dans les vitrines obscènes des regards virils. Se faire une beauté n’aboutit qu’à se faire abat-jour ou candélabre pour briller en société.
Vous êtes belles, Mesdames, quand vous ne le cherchez pas. Vous êtes belles en courant, en sueur, en chantant en chœur, belles en réfléchissant sur les lendemains des autres, à la tribune ou dans la lumière orange de votre chambre d’écrivaine, belles en portant les enfants dans vos bras fatigués ou dans vos ventres de reines, fruits gonflés de richesses d’entrailles. Vous êtes belles en dormant décoiffées dans les draps froissés de fin de nuit blanche, belles en marchant sous les ombrages du printemps, en riant des œillades des hommes quand elles ne sont que caresses. Vous êtes belles de ne pas le savoir. Les sakuras sont roses sur la promenade, au soleil du soir.