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BILLET D’HUMEUR N° 65 par Olivier Manceron, le 20/01/21.

Un an a passé. Tourmentes et tourbillons, l’eau a coulé sous les ponts. Nous vieillissons. Les chiffres montent au tableau d’affichage, avec à peine le cliquetis soyeux des nombres et des noms qui défilent sur les panneaux des gares. Nous sommes des survivantes, des survivants, de toutes les vicissitudes de nos vies de vivant.es. Nos fractures osseuses, nos trahisons d’enfance heureuse, nos étourdissements savoureux de mains nouées, nos enterrements de Novembre aux tristesses pluvieuses, nos corps violentés souillés de honte silencieuse, nos accidents de la route ou du travail, nos catastrophes d’amour qui nous attendaient au tournant, comme nous avait bien dit maman, nos abandons solitaires sur quelque banc glacé, nos malencontreuses hésitations qui nous creusent de regrets le ciboulot , nos maladies infantiles, nos fausses joies, nos faux serments débiles, nos accidents ferroviaires ou vasculaires cérébraux nous laissent des cicatrices épaisses, inesthétiques, qui se mélangent aux rides et à une ou deux plaies cachées. De celles qui ne se trahissent que par de vieilles odeurs de gangrène, quand ça sent mauvais quelque part et qu’on a beau frotter…

Nous avons gagné le droit de vieillir, un avancement à l’ancienneté, un cadeau honorifique. Et les jours passent comme les années. Les cheveux blanchissent. Quand l’injonction à la jouvence ne contraint pas à les teindre couleur jeunette. Comme si les fleurs de l’âge n’avait pas le droit de s’ouvrir et même de se parer de cette nostalgie un peu fanée des cheveux gris. Elles doivent faire comme si elles n’avaient pas vu passer la ménopause, rien vu des marées, ni des correspondances qui font descendre à la prochaine. Elles doivent faire semblant d’être d’adolescentes, éternelles jouvencelles, plus ou moins sans cervelle, mais encore cotées sur le marché. Jusqu’aux cheveux blancs, elles feront semblant, « parce qu’elles le valent bien ! » Et que sinon, elles imaginent qu’elles ne valent rien.

Alors tous les matins, il leur faut composer ce petit jeu des sept erreurs qui accrochera encore les désirs des hommes à la vue basse et aux regards dominateurs. Qui espèrent-elles tromper ? Ces machos infâmes aux gros derrières, battant de la queue le long de la rivière, tels des fauves mangeurs de femmes ? En tout cas pas le temps qui passe, le sournois, l’implacable. Mais c’est aussi ce temps qui lave et nous fait gris comme des galets, polis, chauds au soleil, difficiles pour le pied qui les foule, mais solides et doux à la main qui caresse. Avec le temps tout reste. Tous les accidents de nos vies nous ont érodé, lissé l’âme et plissé le corps. On se souvient du visage et de la voix. Avec le temps, va, tout est là… Quand on aime encore.

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