Le printemps a été. On attend la chaleur. Vient l’été et ses promesses d’oisiveté et de liberté. Les pluies ont alourdi les grandes hampes des rosiers des jardins pour tourner vers le sol leurs corolles froissées par la grêle. Puis les trottoirs ont séché. Le vent a repoussé les orages. Il a dissipé les fumigènes des samedis d’émeute. Les images de luxe du festival de Cannes, avec les bonnes nouvelles des vedettes du show-bises et des stars du foot, mâles ou femelles, fascinent les foules. On oublie l’hyper-violence policière des scarabées noirs ivres de colère de faire le sale travail de taper sur la misère. La chaleur nous hallucine.
La France va-t-elle se rendormir dans ses moiteurs estivales ? Mieux encore que le référendum d’initiative populaire, la sueur ne serait-elle pas le mode d’expression le plus égalitaire ? Feignant.e.s ou travailleu.r.ses, surbooké.e.s ou sédentaires, Françaises et Français n’auront d’autre revendication que la fraîcheur. Tous les ans, l’effet essuie-glace à la vanille des vacances débarrasse nos puissants des craintes de révolte populaire. « Allez ! On aura bien le temps d’y penser à la rentrée ! » Mais on sent que quelque chose cette année ne s’éteindra pas. Peut-être est-ce la raréfaction visible des insectes et des oiseaux, qui annonce une débâcle climatique inévitable « de notre vivant » ? Peut-être est-ce une réplique à distance de la déflagration médiatique des exigences de vérité de la vague #Metoo ? Peut-être est-ce la vision authentique d’une population française foncée, avec toutes ses nuances de couleur de peau, qui estompe enfin celle d’une population gauloise, « à l’ancienne », rose, quoi ? Peut-être sont-ce les images effrayantes des naufrages et des noyades humaines qui rendent moins désirables les flots bleus des vacanciers ? Les « migrants » ne prennent pas de vacances. Même ceux et celles qui partent se sentent un peu solidaires de ceux et celles qui ne s’en vont jamais.
A la fête de la musique, sur les places et dans les ruelles, les gens étaient contents d’être des gens. Ils et elles ont dansé ensemble dans la nuit la plus courte de l’année. La trompette faisait la fête, le tambour des calembours, le trombone t’avait à la bonne, la grosse caisse avait de la fesse, le saxo du sexe et la clarinette vous tournait la tête. La France est gourmande et prend encore ce qu’elle peut attraper de bonheur à sa portée. Mais elle ne s’endort pas. Il y a quelque chose dans les regards…Une fierté, un air de gloire.