Le 20/11/16.
L’impensé… Que faire contre l’impensé ? Il est impensé de vivre sans être comme les autres, pour ces autres qui s’appellent les « normaux », ces êtres entiers si satisfaits d’être complets. Il ne viendrait pas à l’idée à ces êtres bien-pensants qu’ils pourraient un jour « tomber » handicapés, se retrouver chez nous, chez ces autres « pas comme les autres ». Le handicap ? Mais c’est impensable, Madame ! Donc c’est impensé. Il est impensable de voir l’être qu’on aime, frappé par la maladie, mordu par le chômage, rongé par la misère. C’est impensable. Alors c’est préférable de bien ranger tout ça dans l’impensé… Même la mort est dans l’impensé. Ainsi la vie reste vivable. C’est plus facile de fermer les yeux que de les garder ouverts. Le sexe pour tuer l’amour : impensé. Les violences pour le plaisir de dominer : impensé. La jouissance du pouvoir pour gonfler le sadique « petit Moi » du fond de soi : impensé. Plutôt que de susciter la compassion et l’altruisme, l’impensable handicap provoque chez le « normal » le désir de pouvoir, de possession et même d’emprise : impensé. Que faire contre l’impensé ?
Comment combattre l’impensable ? Il faut briser le silence et re-briser le silence, avant que l’impensé ne se referme à nouveau sur les idées. Il faut répéter, psalmodier, asséner la réalité jusqu’à la lassitude, jusqu’au gavage, presque jusqu’au dégoût. Seul le martelage des esprits laissera la brèche ouverte. Il faut associer une propagande patiente par la prise de parole à la moindre occasion, des campagnes d’information accrocheuses contre les non-dits, des efforts de presse acharnés contre les dénis, des publications d’ouvrages, d’essais, de pamphlets, de films, de vidéos pour lutter contre la folie humaine de se cacher la vérité de la vie.
Alors, à la longue, l’impensable devient pensé, la réalité sort de l’ombre pour devenir vérité aux yeux de chacun et un jour gagner l’ensemble de la société. Courage, ne relâchons pas nos efforts. Nous arriverons rarement à convaincre. Et puis dans convaincre, il y a vaincre. Il faut se méfier. On n’imposera pas nos idées par la force. Répéter inlassablement use autant celle-celui qui parle que celle-celui qui écoute. Courage ! Le ressac de la vérité finira par éroder les récifs des dénis les plus acérés. La lutte contre l’impensé ne passera que par la verbalisation des pensées enfouies. Battons le fer, battons le pavé, battons la campagne, battons la charge, cela finira par garder éveillé les gens. Il est tellement plus facile de fermer les yeux que de les garder ouverts ! Ah, le poids des paupières !