Le 13 juin dernier, a été célébrée pour la 8e fois, la journée internationale de sensibilisation à l’albinisme. De fait, c’est l’athlète paralympique Nantenin Keita qui a été choisie ce mois-ci pour ce nouveau portrait.
Nantenin Keita, de nationalité franco-malienne, est née en 1984 à Bamako Elle est contrainte de quitter son pays d’origine et de s’installer en région parisienne à l’âge de deux ans, en raison de persécutions liées à son handicap. En effet, à l’image de son père, Salif Keita, elle souffre d’albinisme causant une extrême sensibilité au soleil ainsi qu’une déficience visuelle.
Son nom résonne à travers le temps, étant descendante de Soundiata Keïta, fondateur de l’Empire du Mali au XIIIe siècle. L’Histoire raconte que les mines d’or de ce dirigeant africain émerveillaient le continent européen, et peut-être même le monde.
Si elle est d’abord connue pour ses exploits sportifs, elle s’est également érigée en ambassadrice des droits de l’Homme, et notamment des droits des personnes albinos.
Le parcours athlétique de Nantenin Keita démarre de bonne heure puisqu’elle participe au collège à ses premières courses, démontrant dès lors des aptitudes sportives remarquables. À seulement 18 ans, elle termine deuxième à un 400m sans aucune préparation préalable. Elle dispose aujourd’hui de 4 médailles aux jeux paralympiques à son actif et est double championne du 400 m. C’est de sa différence qu’elle tire sa persévérance. Elle parvient à la gommer à travers le sport et à surmonter ses obstacles physiques. Sur la piste, plus rien ne compte si ce n’est ces grandes foulées successives qui suggèrent une envolée. C’est à travers sa passion qu’elle apprend à s’aimer et à s’accepter en tant que femme en situation de handicap. Elle profite de sa position d’athlète de renommée pour prendre la parole et alerter sur les « conditions et la santé mentale » dans le milieu du sport.
Son militantisme s’étend par-delà les frontières puisqu’en 2005, aux côtés de son père, elle crée la Fondation Salif Keita, dédiée aux enfants albinos et aux personnes atteintes d’albinisme au Mali. Les objectifs sont multiples. Elle a vocation, entre autres, à leur offrir un meilleur accès à l’éducation et à la santé. Ainsi, au regard de leur particulière vulnérabilité, la Fondation récolte des dons afin de distribuer des kits de protection du soleil au Mali, composés de crème solaire et de lunettes de soleil.
Leur quotidien est également rythmé par des persécutions prenant de multiples formes. Il peut s’agir de « moquerie, de mépris » selon les termes de Nantenin Keita, d’humiliation et pire encore ! Dans son pays natal, les enfants albinos font l’objet de superstitions mettant en péril leur vie, alimentées par l’ignorance et l’incompréhension. Ils sont amputés voire assassinés lors de rituels ayant pour but de « porter chance » ou d’augmenter la fertilité à titre d’exemple. Ces enfants sont arrachés aux mains de leur famille et sacrifiés en raison de leur différence. C’est contre ce fléau que lutte l’association Keita, par le biais de campagnes d’information notamment et de prévention des tentatives d’enlèvement. Elle a vocation à sensibiliser et à déconstruire les croyances à l’origine de la prolifération de la violence.
Nantenin Keita occupe également le poste d’assistante en ressources humaines au sein d’un groupe mutualiste, Malakoff Humanis, et favorise l’insertion des personnes en situation de handicap. Ce portrait était à la fois l’occasion de découvrir le profil d’une femme d’exception mais également de bénéficier d’une petite ouverture sur l’albinisme, des conséquences qui en découlent et des conditions de vie encore trop méconnues. En Europe et en Amérique du Nord, les estimations oscillent autour d’un cas sur 20 000, d’après l’ONG Under the Same Sun. Pour en savoir plus.
Elise Andrès
Juin 2023