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BILLET D’HUMEUR N° 29 par Olivier Manceron. Le 20/01/18.

Il y a des irremplaçables. Il y a des gens qui sont des phares. Leurs yeux balaient nos nuits de longues lueurs d’espoir. La course de nos vies paraît moins incertaine et les récifs noirs des jours de peine moins acérés à nos cœurs transis. Il y a des gens comme ça, des gens simples, comme vous et moi. Ils se réveillent dans le même monde injuste et s’endorment sur les mêmes regrets amers. Leurs rêves sont aussi fous que les nôtres, et aussi forts sont leurs besoins d’amour. Mais si un jour on les croise, on les rencontre, la vie n’a plus la même couleur. On le sait d’instinct. Leur foi les dépasse. Leur courage peut parfois tenir de la rage. Ils sont durs à suivre, ces gens-là, durs à comprendre, durs à supporter au quotidien souvent. Parfois, on a l’impression qu’ils ne nous voient pas, que leurs regards perçants nous traversent, presque à nous blesser. Ils ne sont pas aveugles, ils sont voyants. Leurs yeux n’ont plus besoin de voir, ils embrassent le monde et y tracent des chemins.

Maudy Piot était de celles-là, de ces acharnées de la justice, de ces compatissantes des plaies du corps comme celles des enfances meurtries. Femme au grand cœur, elle avait fait de sa propre misère un drapeau de révolte. Il lui fallait arracher les femmes des griffes des prédateurs immondes, des vieilles ruelles comme du grand monde. Il lui fallait faire rendre gorge aux tueurs des arrière-boutiques, aux sinistres violeurs des arrière-cuisines et autres monstres des fonds de couloir. Il lui fallait rendre leur honneur perdu à toutes leurs victimes, les oubliées de la société du paraître, les laissées pour compte de la bonne conscience et rallumer la fierté aux petits yeux de celles qu’on ne regarde plus sur le bord des trottoirs.

Avec elle, nous étions d’emblée enrôlé.e.s, embarqué.e.s vers des batailles lointaines. Peu nous importaient leurs issues incertaines. Les foules s’agglutinent aux obsèques des héros. Les médias retentissent des trompettes de leurs renommées. Ils ont passé leur vie à faire briller leurs destinées et parfaire leurs légendes. Mais leur gloire disparaît derrière celle du héros suivant. La mousse comble vite les sillons de leur nom dans la pierre de leur tombe.

Des gens comme Maudy n’ont que faire de ces hommages posthumes et du marbre des mémoriaux. Leurs noms et leurs vies sont inscrites au fond des cœurs des femmes et des déshéritées. Les générations futures passeront les cols et les ravins, marcheront la main dans la main par les brèches et les chemins que leurs combats anonymes ont ouverts pour l’avenir de l’humanité.

"BILLET D’HUMEUR N° 29 par Olivier Manceron. Le 20/01/18." : 1 commentaire

  1. Corbel dit :

    Magnifique!!

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