Belles promesses que celles du printemps ! Cloches et clochettes tintinnabulent dans les sous-bois mauves et blancs, pastel et lavis des couleurs de la vie. Belles sont les promesses des fleurs, belles comme le jour de gloire quand il est arrivé, belles comme la nuit étoilée quand van Gogh s’est levé, belles comme les flous vibrants des toiles de Monet ou les doux ombrages de celles de Renoir.
Les promesses des gens, en revanche, ça ne s’écoute pas et celles des présidentiables ne se regardent que du bout des yeux. Tel Ulysse de l’Odyssée, bouchons-nous les oreilles pour approcher le rocher des sirènes. Bouchons-nous les oreilles et fermons les yeux. Nos urnes deviendront sereines, cornes d’abondance de soleil, de vacances, de champagne et d’amitiés. Nous aborderons en souriant campagnes électorales et débats télévisés. Le rêve emboitera le pas au sommeil.
Foin des hiers qui pleurent, nous garderons au cœur les lendemains qui chantent et qui fredonnent en chœur les hymnes insolents des révolutions douces. Dormons ce soir sur la mousse de l’espoir des rires d’enfants. Oublions que les trompettes de la renommée sont bien mal embouchées. Demain on rasera gratis, oublions que nous avons payé cher hier pour qu’on nous tonde. Gavons-nous de délicieux mensonges fourrés de boniments. Suçons leurs bobards au caramel mou. Laissons tomber nos paupières fatiguées en lourds rideaux de velours rouge sur le théâtre des fourberies médiatiques des Scapins politiques.
Goûtons l’illusion. Nausées, maux de tête et gueule de bois, le réveil sera délicat. Le plus difficile quand on avale les couleuvres, c’est la digestion. On le sait. Mais on y retourne. On sait que « c’est des menteries », qu’ils ne feront pas ce qu’ils ont dit pour toutes les bonnes raisons qu’ils nous expliqueront pour oublier qu’on les a crus. Quand la grand-messe des promesses bat son plein, les fidèles n’ont pas besoin d’avoir la foi. Les orgues, l’encens, les fleurs des vitraux, les psalmodies plaintives et les cantiques dans les micros suffisent toujours à remplir quelques églises, temples et mosquées. Et puis, ils ont des clochettes dans le chœur et des cloches au clocher. J’ai oublié les synagogues, erreur en ces temps où chaque temps de parole, chaque droit de regard et chaque petite phrase nous sont comptés. Même les indécis, les athées, les votes blanc et les abstentionnistes se prêtent au jeu. Il faut bien y croire quand même un peu, même si ça ne sert à rien, même si on a brûlé Notre-Dame.